Un samedi matin, lors d’une rencontre internationale, l’un des directeurs de l’Institut de taoïsme Fung Loy Kok nous a transmis cet enseignement de Maître Moy à propos des huit vertus (je transcris de mémoire) :
« Ce n’est pas nous qui travaillons les vertus. Ce sont les vertus qui nous travaillent. La calligraphie de la vertu se met en action pour nous transformer si on l’accueille avec sincérité. »
J’ai pensé : au lieu de me sentir impressionnée par les vertus et par les valeurs qu’elles véhiculent, je pourrais me laisser travailler par elles de la même façon que les mouvements du les arts Tai Chi Taoïste® me transforment petit à petit.
Depuis, lorsque je regarde une de ces calligraphies, j’imagine un petit guerrier masqué muni d’une épée qui voyagera à l’intérieur de mon univers pour amputer les racines de mes résistances, si je le laisse entrer chez moi. Je m’imprègne de sa silhouette. Je place le symbole en fond d’écran de mon téléphone pour le voir chaque jour et le reproduis plusieurs fois à l’encre. Puis, je laisse le travail se faire.
Les jours et les nuits qui suivent me révèlent un peu plus à moi-même, par des flashs, des rêves, des pensées ou des situations qui me confrontent à la vertu elle-même. Ce n’est pas toujours reposant de lever le voile sur la raison d’une résistance intérieure à l’une ou à l’autre des huit vertus. Ce que j’apprends dans ce processus me surprend, me bouscule et me brasse mais, dans le même mouvement, m’apaise, à partir du moment où j’accepte de ne pas tout comprendre.
Il y a quelques mois, je me suis imprégnée du symbole de la vertu du sacrifice, reliée à l’organe du cœur, et je me suis posé cette question : « Sincérité du cœur, spontanéité, justesse et désintéressement, si je pouvais laisser ces dispositions me guider en toute circonstance, aurais-je alors le courage de faire ce qui est juste ? » Il se trouve que dans des situations d’urgence ou de danger, je perdais mes moyens, comme paralysée.
Mais lundi dernier, alors que trois hommes ivres ont commencé à se battre, bouteille de vin en verre à la main, dans un wagon de métro dans lequel je me trouvais, j’ai aussitôt appuyé sur l’interphone et signalé la situation au conducteur du train. Je ne me suis pas reconnue. Il y a quelques mois de cela, j’aurais été figée dans ma stupeur. La seule chose à laquelle je me souviens avoir pensé entre le moment où j’ai entendu les voix monter et vu la bouteille de verre menaçant la tête d’un des hommes contre la porte du wagon, c’est : comment empêcher que ça aille trop loin pour ces hommes comme pour les passagers ? Le reste est venu sans réfléchir.
Je sortais d’une séance ou nous avions travaillé l’équilibre dans la séquence « mouvoir les mains comme des nuages » quand cela s’est produit. Le travail des vertus et la pratique physique de l’équilibre m’ont tous deux aidé à réagir vite dans cette situation.
En découvrant la source enfouie d’une résistance à une vertu, parmi des souvenirs lointains, j’ai l’impression de créer du vide à l’intérieur de mon corps et d’apporter plus de lumière à ma conscience. Au fond, ce n’est pas moi qui creuse, mais un petit guerrier masqué qui exécute les mouvements d’un enchaînement en prenant différents visages, selon la vertu qui m’appelle.
During a Saturday morning international meeting, one of the directors of the Fung Loy Kok Institute of Taoism passed on to us this teaching from Master Moy regarding the eight virtues (I transcribe from memory):
“We are not working on virtues. Virtues are working on us. The calligraphy of virtue is activated to transform us if we welcome it with sincerity.”
I thought: instead of being impressed by the virtues and by the values they convey, I could let myself be worked by them in the same way that the movements of Taoist Tai Chi® practice transform me little by little.
Since, when I look at one of these calligraphies, I imagine a small masked warrior with a sword who will travel inside my universe to amputate the roots of my resistances, if I let him enter my home. I imprint myself on his silhouette. I put the symbol in the background of my phone to see it every day and reproduce it several times in ink. Then I let the work happen.
The days and nights that follow reveal a little more to myself, through flashes, dreams, thoughts or situations that confront me with virtue itself. It is not always relaxing to lift the veil on the reason for an inner resistance to one or another of the eight virtues. What I learn in this process surprises me, moves me and shakes me up but, in the same movement, soothes me, from the moment I accept that I don’t understand everything.
A few months ago, I absorbed the symbol of the virtue of sacrifice, connected to the organ of the heart, and I asked myself this question: “Sincerity of heart, spontaneity, rightness, and selflessness, if I could let these dispositions guide me in all circumstances, would I then have the courage to do what is right?” It appears that, in situations of emergency or danger, I would quickly lose my nerve, as if I were paralyzed. But this past Monday, as three drunken men started fighting, glass bottle of wine in hand, in a subway car I was in, I immediately pressed the intercom and reported the situation to the train conductor. I didn’t recognize myself.
A few months ago, I would have been frozen in my stupor. The only thing I remember thinking between the moment I heard the voices rising and saw the glass bottle threatening the head of one of the men against the car door was: how do we keep this from going too far for these men as well as the passengers? The rest came without thinking.
I had just come out of a session where we had been working on balance in the sequence “moving the hands like clouds” when this happened. The virtues work and the physical practice of balance helped me both to react quickly in this situation.
By discovering the buried source of a resistance to a virtue, among distant memories, I have the impression of creating void inside my body and bringing more light to my consciousness. Deep down, it is not me who is digging, but a small masked warrior who is executing the movements of a sequence by taking on different faces, depending on the virtue that calls me.